Jean-Paul Sartre publie pour la première fois
Qu'est ce que la littérature? en
1947 dans les Temps Modernes. En
1948, certaines modifications sont apportées à l'essai au cours d'une seconde publication dans Situation II ( recueil ) et seront plus tard , publiées en volume séparé.
Contexte historique :
- fin de la Seconde Guerre Mondiale 1945 = le monde est à reconstruire
- début de la Guerre Froide opposant l'URSS (communiste) et les États-Unis (capitaliste) = menace d'une troisième guerre mondiale
- début des décolonisations, en particulier en 1946 , début de la guerre d'Indochine qui oppose la France ( pays colonisateur ) et l'Indochine ( pays colonisé) = conflit entre opposant et partisan de la colonisation
---> Sartre est un intellectuel engagé. Il affirme ses opinions notamment à travers ses oeuvres. Communiste, anti-bourgeois et s'opposant à la colonisation, il défend l'idée de la nécessité d'écrire pour exprimer ses pensées et les argumenter afin de faire avancer le monde : " J'écris pour mon époque".
Qu'est ce que la littérature ? fut écrit en réponse aux critiques d'écrivains qui se voulaient consternés par l'engagement de Sartre exprimé dans les Temps Modernes. "Et puisque les critiques me condamnent au nom de la littérature sans jamais dire ce qu'ils entendent par là, la meilleure réponse à leur faire , c'est d'examiner l'art d'écrire, sans préjugés. Qu'est-ce qu'écrire ? Pourquoi écrit-on ? Pour qui ? Au fait, il semble que personne ne se le soit jamais demandé."
Partie I : Qu'est ce qu'écrire ?
"C'est une chose que de travailler avec des couleurs ou des sons, c'en est une autre de s'exprimer par des mots".
*
La peinture exprime à travers une chose un signe. Le fait qu'elle soit précisément
"chose" et non
"signe" empêche de distinguer ou d'exprimer un langage proprement dit. Ainsi, on perçoit le tableau dans son ensemble et le
"signe" devient
objet de l'art et non plus singularité.
*
La mélodie est à la fois le récit, l'expérience d'un état et l'état lui-même.
" Un chant de douleur est à la fois la douleur elle-même et autre chose que la douleur (...) c'est une douleur qui n'existe plus, qui est".
* Le peintre représente la chose et laisse aux autres l'imagination pour la comprendre et en déchiffrer le signe. L'écrivain exprime avec des mots le signe, il le déchiffre et le donne comme explication aux autres.
"On ne peint pas les significations , on ne les met pas en musique ; qui oserait, dans ces conditions, réclamer du peintre ou du musicien qu'ils s'engagent ? "
*
La poésie est similaire à la peinture, la musique ou la sculpture.
" On me reproche de la détester : la preuve en est, dit-on, que Les Temps Modernes publient fort peu de poèmes. C'est la preuve que nous l'aimons, au contraire." La poésie met en valeur les mots, la prose donne aux mots une valeur. Le
signe révèle le monde, la
vérité. Le
signe s'exprime à travers un
langage, celui de l'écrivain. Le poète ne cherche pas un
langage, il cherche à créer de l'art avec des mots. Les mots ne sont alors plus
signes mais deviennent
choses.
"L'ambiguïté du signe implique qu'on puisse à son gré le traverser comme une vitre et poursuivre à travers lui la chose signifiée ou tourner son regard vers sa réalité et le considérer comme objet. L'homme qui parle est au delà des mots, près de l'objet ; le poète est en deçà." Le poète utilise donc les
mots, non pour leur
signification, leur caractère mais pour l'
image qu'ils représentent. Le
mot est choisit délibérément par le poète : c'est un choix de réflexion. Le
mot n'apparaît plus comme une entité innée à l'homme : le poète matérialise le
mot, il le rend
outil d'un autre langage, le langage poétique.
"Car le mot, qui arrache le prosateur à lui-même et le jette au milieu du monde, renvoie au poète, comme un miroir, sa propre image".
* "L'art de la prose s'exerce sur le discours, sa matière est naturellement signifiante : c'est à dire que les mots ne sont pas d'abord des objets, mais des désignations d'objets". L'écrivain cherche à transmettre, à travers les mots, une idée. Il ne pense pas à l'esthétique du langage, il pense au langage brut, au sens des mots. Son but étant de communiquer : il met le langage au service de sa réflexion. " Nous sommes dans le langage comme dans notre corps ; nous le sentons spontanément en le dépassant vers d'autres fins." Le langage permet d'interagir avec le monde. L'essence même du métier d'écrivain est la recherche d'une interaction commune, entre les lecteurs et l'écrivain, autour d'une réflexion particulière. Il ne s'agit pas de montrer l'art, mais de le partager. Ce partage est réfléchi. Chaque écrit doit avoir une certaine consistance afin de pouvoir justifier sa fonction communicative.
* "Parler c'est agir : toute chose qu'on nomme n'est déjà plus tout à fait la même, elle a perdu son innocence". L'écrivain, en dénonçant sa réflexion sur un sujet particulier, permet de donner une nouvelle impulsion aux choses car il apporte un nouveau sens, une nouvelle signification qui lui est propre. Le fait même de réfléchir sur une chose permet donc à l'écrivain de s'engager car il ne se contente pas d'exposer une chose, il en prend connaissance et se l'approprie." A chaque mot que je dis, je m'engage un peu plus dans le monde, et du même coup, j'en émerge un peu davantage puisque je le dépasse vers l'avenir ". L'écrivain ne peut pas être objectif : il choisit ce qu'il veut écrire. Cette subjectivité est donc consciente. Le travail de l'écrivain est de transmettre le mouvement perpétuel du monde, ses différentes
significations. L'homme, contrairement à Dieu, est un sujet du monde. L'écrivain est donc le meilleur témoin de l'univers et de l'humanité.
" Se taire ce n'est pas être muet, c'est refuser de parler, donc parler encore". L'écrivain fait un choix : il choisit tels mots, tels sujets...Lorsqu'il décide de réfléchir sur un aspect du monde, il prend la décision de ne pas aborder tel autre aspect du monde. Cependant, son choix de réflexion interroge le lecteur sur ses omissions volontaires, ce qui est en soi, une autre manière d'écrire puisqu'il dirige le lecteur et son champ de réflexion.
* "On n'est pas écrivain pour avoir choisi de dire certaines choses mais pour avoir choisi de les dire d'une certaine façon". Le talent de l'écrivain, c'est de révéler sa réflexion par étapes et de rendre au lecteur le plaisir de la découvrir. L'écrivain pense d'abord, puis écrit ensuite. L'écriture est le résultat d'une réflexion, ce n'est jamais l'écriture qui précède la réflexion. Ainsi, l'écrivain se concentre sur le fond avant de penser la forme.
* Le génie de l'écrivain ne réside pas dans sa faculté à retranscrire une réflexion particulière mais à mettre en perspective l'Homme à travers cette réflexion. Donc, l'idée développée, réfléchie, écrite, n'est que secondaire. Le lecteur cherche dans l'écriture à percevoir l'écrivain, l'Homme.
"Telle est donc la ''vraie'', la ''pure'' littérature : une subjectivité qui se livre sous les espèces de l'objectivité, un discours si curieusement agencé qu'il équivaut à un silence, une pensée qui se conteste elle-même, une Raison qui n'est que le masque de la folie, un Éternel qui laisse entendre qu'il n'est qu'un moment de l'Histoire."L'écrivain est avant tout un homme de son temps et son oeuvre doit être envisagée comme telle.
Partie II : Pourquoi écrire ?
*
L'Homme est à l'origine de ses perceptions. Le monde, son unité, n'est définie que par l'Homme.
"Mais si nous savons que nous sommes les détecteurs de l'être, nous savons aussi que nous n'en sommes pas les producteurs." Cependant, ces perceptions conscientes ne sont pas nécessaires au monde : l'univers survivra à l'Homme. Ainsi, l'Homme pense le monde mais il ne peut le dépasser. C'est cette contradiction consciente qui fonde la première cause de l'écriture : l'Homme aspire à s'inscrire dans ce monde qu'il dévoile sans atteindre. L'écriture est en ce sens un facteur de
création. Il devient donc "producteur". Pourtant, cette création, l'écrivain ne peut l'atteindre dans sa totalité.
" Même s'il apparaît aux autres comme définitif, l'objet crée nous semble toujours en sursis : nous pouvons toujours changer cette ligne, cette teinte, ce mot ; ainsi ne s'impose t-il jamais." L'écrivain ne peut dévoiler sa
création car elle est subjective : elle émane de lui. Ainsi, seul le lecteur, autrui, peut dévoiler l'oeuvre de l'écrivain. L'Homme ne peut atteindre le monde dans son entité absolue
" Ainsi, dans la perception, l'objet se donne comme l'essentiel et le sujet comme l'inessentiel ; celui-ci recherche l'essentialité dans la création et l'obtient, mais alors c'est l'objet qui devient l'inessentiel". L'écrivain pense l'histoire qu'il veut construire, il est le maître d'oeuvre de son art. Il en est explicitement attaché puisque l'histoire écrite n'existe que par lui, par sa plume. Il en connaît tous les secrets, en ce sens, il ne peut être surpris par cette histoire, contrairement aux lecteurs qui la découvre au fil des pages. Ainsi l'écrivain est un artiste dont la subjectivité créatrice n'est autre que la clef de l'histoire pour le lecteur.
" Il n'est donc pas vrai qu'on écrive pour soi-même : ce serait le pire échec ; en projetant ses émotions sur le papier, à peine arriverait-on à leur donner un prolongement languissant." Néanmoins, l'histoire écrite est indissociable de l'histoire lue. En d'autre terme, l'histoire écrite ne peut exister, prendre forme que si l'histoire est lue.
" C'est l'effort conjugué de l'auteur et du lecteur qui fera surgir cet objet concret et imaginaire qu'est l'ouvrage de l'esprit. Il n'y a d'art que pour et par autrui."
* La lecture est l'aboutissement de l'écriture : elle rend vivante l'oeuvre, l'objet et dans le même temps en dévoile le sujet. La lecture concilie donc la
création et la
perception.Une lecture inefficace ne révèle que quelques parties de l'oeuvre et donc n'accomplie pas pleinement sa double fonction :
création et
perception absolue de l'
objet littéraire.
" L'objet littéraire, quoiqu'il se réalise à travers le langage, n'est jamais donné dans le langage ; il est, au contraire, par nature, silence et contestation de la parole." Le lecteur atteint les silences de l'oeuvre, ses sens cachés, sa profondeur par sa réflexion et son implication dans l'oeuvre lue. Il existe plusieurs silences émanant de l'oeuvre : le silence absolu, celui de l'inspiration créatrice de l'auteur ; le silence en tant qu'objet littéraire c'est à dire le sens profond de l'oeuvre puis les silences volontaires, les non-dits :
" Il s'agit d'intentions si particulières qu'elles ne pourraient pas garder de sens en dehors de l'objet que la lecture fait paraître ; ce sont elles pourtant qui en font la densité et qui lui donnent un visage singulier. Elles sont précisément l'inexprimable." D'abord, le but d'une oeuvre littéraire est d'éveiller chez le lecteur son propre vécu. Le langage en est le outil littéraire. En effet, le langage littéraire traduit diverses attitudes, diverses actions et divers sentiments qui incitent le lecteur à s'identifier ou du moins à s'imaginer vivre l'histoire lue. La lecture révèle le lecteur à lui-même.
" Puisque la création ne peut trouver son achèvement que dans la lecture, puisque l'artiste doit confier à un autre le soin d'accomplir ce qu'il a commencé, puisque c'est à travers la conscience du lecteur seulement qu'il peut se saisir comme essentiel à son oeuvre, tout ouvrage littéraire est un appel." L'appel dont parle ici Sartre est un appel de l'écrivain aux lecteurs. En effet, il n'y a d'oeuvre littéraire que s'il y a lecteur car le lecteur dévoile l'histoire. Lire est un acte voulu, réfléchi.L'écrivain fait également appel à la liberté du lecteur. En effet, le lecteur est libre de choisir l'oeuvre littéraire qu'il souhaite lire. Cette liberté est essentielle au dévoilement de l'oeuvre.
* L'imagination est suscitée par l'art mais elle en est dépendante dans le même temps. Le lecteur imagine ce que l'auteur est en mesure de lui proposer à imaginer.
" L'oeuvre d'art n'a pas de fin (...) elle est une fin." L'art est le moyen par lequel le lecteur éprouve sa liberté : il choisit de s'investir dans l'histoire, il en choisit le jugement guidé par la trame narrative imposée par l'auteur. De plus, l'art révèle au lecteur sa liberté : son imagination retranscrit ses idées profondes ( envie, colère...) et donne à percevoir une autre vision de l'être, particulière à chaque lecteur : "
Ainsi l'auteur écrit pour s'adresser à la liberté des lecteurs et il la requiert de faire exister son oeuvre". En effet, si le lecteur peut imaginer c'est parce que l'auteur a crée. L'écrivain crée le contexte, le lecteur le déchiffre mais toujours en usant de sa liberté c'est à dire d'imaginer le
corps de l'histoire avec l'
âme donnée par la plume du créateur.
" Ainsi à travers la causalité phénoménale, notre regard atteint la finalité, comme la structure profonde de l'objet et , au delà de la finalité, il atteint la liberté humaine comme sa source et son fondement originel."
* "L'erreur du réalisme a été de croire que le réel se révélait à la contemplation et que, en conséquence, on en pouvait faire une peinture impartiale." On ne peut dépeindre le monde qu'en le considérant : l'homme est conscient , il pense et de ce fait, sa pensée influence sa vision du monde. L'écrivain ne peut prétendre à l'impartialité mais l'univers qu'il propose au lecteur, bien qu'émergent d'une conscience particulière, suscite chez le lecteur une opinion particulière.
" Tout l'art de l'auteur est pour m'obliger à créer ce qu'il dévoile, donc à me compromettre. A nous deux, voilà que nous portons la responsabilité de l'univers."
Partie III : Pour qui écrit-on ?
*
"Chaque livre propose une libération concrète à partir d'une aliénation particulière". L'écriture et la lecture se rejoignent : l'écrivain écrit pour l'autre mais l'autre lit pour l'histoire. Ainsi, le principe fondateur de tout acte littéraire est cette volonté de partager l'histoire et de la défier en proposant d'autres façons de la raconter. C'est bien là une liberté que partage le lecteur et l'écrivain : partir d'une histoire donnée mais se la révéler par des moyens particuliers. L'aliénation est donc bien l'histoire et la liberté l'acte d'écriture et de lecture.
*
La liberté est la faculté de choisir.
"Car si l'aspect immédiat de la liberté est négativité on sait qu'il ne s'agit pas de la puissance abstraite de dire non, mais d'une négativité concrète qui retient en elle-même ce qu'elle nie et s'en colore tout entière". Ainsi, l'auteur et le lecteur se choisissent réciproquement puisque l'un répond aux exigences de l'autre. Ils interagissent par le biais du livre : l'un en écrivant, l'autre en lisant.
*
Un écrivain engagé est un écrivain qui donne à réfléchir sur un sujet donné.
" L'écrivain est médiateur par excellence et son engagement c'est la médiation". De plus, l'homme décide d'écrire : en ce sens, il est libre. Mais sa liberté se limite aux attentes des lecteurs et à la représentation sociale qui lui est associée. Son rôle est d'écrire. Être écrivain implique des obligations puisque l'on écrit pour autrui. Ainsi, l'engagement de l'écrivain réside dans le fait qu'il choisit de limiter sa liberté pour desservir les attentes d'autrui. L'oeuvre de l'écrivain est inestimable puisqu'il s'agit d'une oeuvre de l'esprit : sa finalité n'est pas utile mais réfléchie.
*
"Car le passage au médiat qui ne peut se faire que par négation de l'immédiat est une perpétuelle révolution".L'écrivain met à nu une réalité et cette mise à nu, par l'analyse et la réflexion qu'elle engendre, donne à la réalité sa mouvance. Sartre distingue le
public réel du
public virtuel c'est à dire ceux à qui le livre s'adresse et ceux dont le livre parle. Parfois, les deux publics se rejoignent, ce qui limite la portée sociale et réflexive du livre.
*
Est littéraire ce qui s'adresse aux hommes libres. Pour Sartre, lorsque la pensée devient crainte, intéressée ou respectueuse, ce n'est plus de la littérature.
" La littérature est le mouvement par lequel, à chaque instant, l'homme se libère de l'histoire : en un mot, c'est l'exercice de la liberté." En effet, la littérature, par les réflexions qu'elle engendre, permet d'envisager l'homme comme sujet universel.
*
Sartre distingue la subjectivité première de la subjectivité seconde d'une oeuvre littéraire. La
subjectivité première est l'histoire du narrateur. La
subjectivité seconde est lorsque d'autres personnages viennent ajouter à l'histoire en cours leur propre histoire. Cette superposition d'évènement crée une dynamique particulière.
*
"C'est un caractère essentiel et nécessaire de la liberté que d'être située". L'écrivain est en situation puisqu'il écrit pour un public défini et sa littérature répond aux besoins et demandes de ce public.
"De l'écart entre le public idéal et le public réel est née l'idée d'universalité abstraite." L'écrivain cherche à s'adresser à l'Homme dans ses écrits mais ses lecteurs ne sont représentatifs que d'une catégorie sociale à une époque donnée.
" La littérature est par essence, la subjectivité d'une société en révolution permanente."
Partie IV : Situation de l'écrivain en 1947
Sartre fonde son discours sur la problématique de l'écrivain français et de son évolution au cours du XXème siècle jusqu'en 1947. Avant d'être écrivain, il faut être intellectuel. Là où l'impulsion intellectuelle est présente, l'art se développe. Ainsi, Sartre souligne
"la centralisation nous a tous groupés à Paris". L'écrivain lit pour apprendre sur le monde et sur lui même. Et c'est précisément cette connaissance littéraire qui détermine son rapport au monde. Il ne faut pas oublier que l'écrivain est un homme de lettres mais également de mœurs.
Sartre distingue trois générations d'écrivains :
-
Avant 1914 : "
ils me paraissent avoir réalisé en leur personne et par leurs œuvres l'ébauche d'une réconciliation entre la littérature et le public bourgeois". Avant 1914, écrire n'était pas un métier puisque l'écrivain ne vivait pas de son art. De plus, l'écrivain n'écrit que pour et par ce qui l'entoure. Son environnement est la richesse de ses écrits, l'inspiration de son art.
" Pour se sauver lui-même , il sauvera la bourgeoisie en profondeur". Car c'est précisément de cet environnement, que naîtra la conscience bourgeoise et littéraire. Dépeindre l'Homme en dressant le tableau de son monde, tel est l'idéal littéraire de cette époque. Sartre résume le statut de ces écrivains du quotidien qui inspirent à écrire de grandes choses :
" il faut faire comme tout le monde et n'être comme personne". Sartre nomme cette littérature, une littérature d'alibi puisque l'écrivain cherche toujours à dépasser la réalité pour en extraire des jugements plus nobles, plus grands.
-
Après 1918 : La guerre a engendré deux courants littéraires bien distincts. L'un d'eux survivra et l'autre tombera en désuétude.
"Le surréalisme poursuit cette curieuse entreprise de réaliser le néant par le trop plein d'être". En effet, le but du surréalisme est de déjouer les codes sociétaux, de les contester mais toujours de s'en inspirer. Cependant, leur contestation, par son caractère général, perd son authenticité et son intérêt. A trop vouloir changer le monde, ils ne le changent plus, à peine le dévoile t-il.
"L'abolition totale dont le surréalisme rêve, ne fait de mal à personne, précisément parce qu'elle est totale. C'est un absolu situé en dehors de l'Histoire, une fiction poétique." Le surréalisme s'attache à adopter le combat communiste selon lequel l'esprit de Négativité prédomine. Cependant, quand le communisme aspire à une société nouvelle, le surréalisme ne se reconnaît plus : son combat étant purement littéraire et formel. L'humanisme est un autre courant littéraire de l'entre deux guerres. Ces écrivains ne cherchent pas à détruire le monde et la société des classes mais entendent écrire l'Homme.
"Ils ont voulu faire voir qu'il est possible d'être homme même dans l'adversité". Cependant, le courant humaniste n'a pas su survivre à l'entre deux guerres car ils ont voulu écrire une société qui, par l'ampleur des grands événements, n'existait plus.
- Après 1945 : Il y a un besoin de renouveau. Ce renouveau s'alimente de l'évolution du monde : de l'avion à la naissance du tourisme de masse. La littérature s'en inspire et dessine de nouvelles perspectives.
" Toutes les entreprises dont nous pouvons parler se réduisent à une seule : celle de faire l'Histoire." Sartre perçoit dans ce renouveau une autre littérature davantage ancrée dans le présent pour en révéler la complexité, le paradoxe. L'auteur doit écrire ce qu'il perçoit parce que c'est cette perception que retiendra l'Histoire. Il en est le témoin parce qu'il en est l'écho :
"Il ne s'agit pas de choisir son époque mais de se choisir en elle." La littérature évolue au même rythme que le monde: elle se mondialise, s'émancipe et finit par perdre son identité. A la problématique des lecteurs se substitue celle des auteurs :
"Nous sommes beaucoup plus connus que nos livres sont lus". Sartre se désole d'assister impuissant à la naissance de ce qu'il appelle "l'industrie littéraire", où la littérature exploitée sous diverses formes finit par être dénaturée, incomprise et finalement oubliée au rang de divertissement. La Seconde Guerre mondiale a engendré une autre perception de la littérature pour son "vrai" lectorat : les valeurs démocratiques en premier lieu desquelles la liberté. L'écrivain est libre d'écrire et cette liberté reste son identité. Dans un monde où il faut choisir un camps, la littérature ne choisit pas, elle est universelle :
"Nous écrivons contre tout le monde, nous avons des lecteurs, mais pas de public." Sartre propose de conquérir le public en se jouant des nouveaux médias et en adaptant la littérature à la modernité comme elle l'a fait du temps de Gutenberg.
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Synthèse : Sartre pose la problématique du pourquoi de la lecture --> Lisons nous pour ce qui est écrit ou pour ce que l'ouvrage représente ? Cette seconde hypothèse représente un danger pour la littérature en tant qu'elle entend transmettre un questionnement. Sartre prend l'exemple de Nizan :
"Communiste, les communistes le lisaient avec ferveur; apostat, mort, aucun stalinien n'aurait l'idée de reprendre ses livres; ils n'offrent plus à ces yeux prévenus que l'image même de la trahison." Pour faire des lecteurs, un public, Sartre propose de les unir autour de la thématique de la liberté, accessible par la connaissance de l'Homme et de la société dans laquelle il s'inscrit. Ainsi, l'écrivain doit s'engager et cet engament est sa liberté :
"La littérature est par essence prise de position". Sartre met également en exergue les spécificités de la linguistique qui se trouve être en perpétuelle évolution consécutivement à la société dans laquelle elle s'inscrit. Ce fait est d'autant plus important qu"il détermine l'engagement de l'écrivain en ce qu'il choisit d'employer ou non un mot donné. Sartre explique qu'en choisissant sa liberté, on se choisit nous-mêmes. La liberté n'est pas la même pour tous et diffère en tout temps. Ainsi, l'écrivain doit, au delà de l'analyse, synthétiser les enjeux de son époque pour en proposer une issue. Cette issue détermine l'homme futur :
"L'homme est à inventer chaque jour".
"Bien sûr, tout cela n'est pas si important : le monde peut fort bien se passer de la littérature. Mais il peut se passer de l'homme encore mieux."
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